Entretien avec Alain
Renault
Le parcours de François Duprat
Alain Renault, ancien secrétaire du Front national, vient de
publier aux éditions Synthèse nationale un François Duprat et le
nationalisme révolutionnaire. Un ouvrage particulièrement passionnant qui a
pris le parti de ne pas évoquer l’attentat qui coûta la vie à François Duprat
pour ne pas cautionner les nombreuses hypothèses, toutes plus farfelues les
unes que les autres, qui ont tenté d’expliquer la fin tragique d’un brillant
intellectuel. C-R.
— François Duprat
représentait la tendance nationaliste révolutionnaire du Front national,
pouvez-vous nous en dire deux mots ?
— François Duprat se rattachait à l’école de pensée qu’il
qualifiait doctrinalement de néo-fasciste. Comme le terme est connoté
défavorablement par l’opinion publique il convenait, plutôt que de perdre son
temps dans une inutile explication sémantique, de changer de dénomination… Le
nationalisme-révolutionnaire est un nationalisme populiste antilibéral menant
la lutte de libération nationale et sociale contre ce qu’on nomme aujourd’hui
le « mondialisme » et contre le sionisme international si tant est
que les deux phénomènes ne se confondent pas. Au regard des faibles forces dont
disposait alors le camp national Duprat, qui n’avait aucune appétence pour
l’inaction infra-groupusculaire entre happy
fews, adoptait une stratégie de « Front uni », le Front National
d’alors devant constituer le plus petit commun dénominateur entre toutes les
composantes des « droites nationales ». Et sur le plan tactique les
NR devaient s’efforcer de recruter vers l’extérieur et non dans la
« maison commune » pas plus que de s’emparer de celle-ci.
— Quelles relations
aviez-vous avec lui ? Quel homme était-ce dans l’intimité ?
— J’avais évidemment d’excellentes relations avec François
Duprat que j’ai suivi dans son action à partir de l’élection Présidentielle de
1974 et de ma complète rupture avec Faire
Front, structure qui regroupait alors la majorité des cadres du mouvement
Ordre nouveau dissous en juin 1973 et qui prétendait trouver en Giscard le
sauveur de la patrie ! Duprat était d’un abord facile, avec une certaine
faconde toute gasconne, et ne cultivait pas les relations conflictuelles… Cela
dit il serait vain de chercher une quelconque ressemblance entre nos personnes
et nous étions plus complémentaires qu’identiques.
— Quels étaient ses
rapports avec Jean-Marie le Pen ? Et avec Jean-Pierre Stirbois ?
— Duprat avait d’excellents rapports avec Jean-Marie Le Pen.
C’est celui-ci qui nous avait invité personnellement au Congrès du FN de juin
1974 et intégré à l’appareil en septembre malgré les réticences de ses
« modérés ». Accessoirement les rapports avec Jean-Marie Le Pen ne
sont jamais difficiles dès lors qu’on ne veut pas devenir Calife à sa place ou le
contrarier publiquement dans sa lubie du moment. Comme ce n’était pas le cas
nous n’avions aucune raison d’entrer en conflit avec lui et il appréciait
manifestement les analyses de Duprat. En outre sur le plan humain nous le
trouvions plutôt sympathique et c’était réciproque.
Dans le cadre de la stratégie de Front uni c’est Duprat qui
avait incité Stirbois à intégrer son Union solidariste dans le Front National.
Cette Union solidariste se réduisait d’ailleurs à Stirbois, sa femme
Marie-France, le folklorique Michel Collinot, l’activiste Jean-Claude Nourry
et, pour mémoire car il était alors sous les drapeaux, l’agréable Francis
Bergeron. En réalité Stirbois, à l’inverse des NR, avait une tactique de
noyautage et une stratégie de prise du parti. Cependant comme il a dû s’écouler
moins d’un an entre son arrivée et la mort de Duprat, leurs rapports sont
restés rares sans avoir le temps de se détériorer.
— François Duprat
aurait été un agent des services secrets français et même, pour certains, un
indicateur de la police. Est-ce encore une rumeur ?
— J’ai toujours entendu des « rumeurs » sur
Duprat. La plupart de celles-ci avaient d’ailleurs été reprises dans une
brochure de la Ligue Communiste Les
bandes armées du capital, supplément à son journal Rouge. Considérant que le combat judiciaire fait partie du combat
politique — comme l’a d’ailleurs compris l’AGRIF — j’ai alors fortement incité
Duprat à porter plainte, ce qu’il fît. Rouge
fut lourdement condamné, et les dommages-intérêts servirent à acheter du matériel
pour le tirage des Cahiers Européens,
l’hebdomadaire de Duprat. Ce fut un grand plaisir d’améliorer la présentation
du bulletin aux frais des traitres boboïsés stipendiant la Ligue Communiste…
Quant aux ragotiers de notre bord j’aurais prêté un peu plus
d’attention à leurs dires s’ils n’avaient eu l’habitude de se réconcilier
régulièrement avec Duprat et de retravailler avec lui… Donc, soit ils ne
croyaient pas à leurs accusations, soit ils n’étaient pas conséquents avec
eux-mêmes.
— La mort de François
Duprat laisse place à de nombreuses supputations, dans Génération Occident, le journaliste Frédéric Charpier avance l’idée
selon laquelle l'assassinat de Duprat aurait été commandité par des membres
d'une organisation nationaliste rivale, d’autres prétendent que l’attentat
aurait été commis en raison de ses liens avec les mouvements palestiniens et
syriens et certains y voient l’ombre du Mossad. Quel est votre avis sur les
auteurs de cette mort lâche et cruelle ?
— Un « avis » n’a aucun intérêt… pas plus le mien
que celui d’une ribambelle d’autres dont les « avis » ne reposent que
sur leurs fantasmes. Et je n’ai aucun élément.
— Qu’est devenue son
épouse, victime elle aussi de ce terrible attentat ?
— Il est bien évident que ce type d’épreuve laisse quelques
traces de telle sorte qu’elle préfère ne pas évoquer cette période me laissant
le soin de traiter des œuvres de son mari. C’est ainsi que j’ai procédé à des
rééditions ou des anthologies, d’abord à l’Homme
Libre, puis chez Deterna de
Philippe Randa et aujourd’hui à Synthèse
nationale avec le camarade Roland Hélie qui vient d’éditer dans le
cadre de ses Cahiers d’Histoire du
nationalisme un numéro consacré à François Duprat et au nationalisme
révolutionnaire.
D’après les nouvelles régulières que j’en ai elle est
aujourd’hui en retraite après une bonne carrière dans le secteur privé.
Propos recueillis par Catherine Robinson
© Présent